Subalterne des enfers, éminence grise du pays de braise, le Tremelzeboo dirige par dénégation et indifférence absolue. Les rides et sillons de ses ailes lumineuses évoquent l’oubli de sa damnation. éraflant les regards de mille éclats de verre. Bandeaux et cornes de feu, du front du Tremelzeboo, annoncent la vigueur de ses impitoyables traitements. Par ce symbole de noblesse, cette couronne de cruauté, le haut valet au visage bouffi brille, jusque dans les arcs de ses sourcils aux menaçantes broussailles.
D’un gris bleu terne, l’œil perçant du Tremelzeboo révèle un abattement contagieux, une terne lassitude infectée de déprime. Car sa froideur accable, rend lâche, pousse à la négligence, jusqu’à l’abandon total. Et quand se dilatent les artères de son cœur, quand ses narines se gonflent d’une vile ferveur, le Tremelzeboo s’infatue, ingrat et fier. Oublis, étourderies, distractions, effacements et absences : ses inadvertances percent les consciences tel un gruyère.
De pertes de conscience en étourdissements confus, l’influence catastrophique du Tremelzeboo déclenche un délire aux accents mystiques. Le corps de gaz du Tremelzeboo, en un éthyle arc-en-ciel, purifie d’une distillation maléfique. De sa queue en tournesol jaillit l’hydromel de sa quintessence. Ce seigneur des terres sans mer, ce maître des pays de sécheresses et démiurge des boit-sans-soif offre ainsi une liqueur soi-disant salvatrice, offrande sacrificielle de son ministère.
« Malgré les convulsions, les spasmes et les étourdissements, malgré l’anxiété, l’insomnie et les sautes d’humeur, malgré les changements soudains de personnalité, les nausées, les troubles, les vomissements, les hallucinations et les tremblements, les derniers témoins de ma grandeur vénèrent jusqu’à mon ombre. Pour moi et chacun de mes disciples, sombres nous étions, sombres nous resterons.
D’inépuisables serviteurs tissent ma peau de leurs robes cafardeuses. Débordants de vie, leurs desseins se multiplient à l’infini en d’indescriptibles mouvements. Leurs dards et morsures instillent par leur venin mon indéfectible résolution :
De pourriture encore mes pensées se nourrissent! D’une infatigable obstination, je me gave encore de vos maladies, du nuisible, de l’inutile. Que mes messagers vous le rappellent : j’exige des sacrifices! Je ne tolérerai aucune rédemption. L’esprit fixe, ferme, résolu, jamais je ne changerai. Impossible d’oublier tourments et désespoirs d’antan. Mon dédain naît de ces désagréables souvenirs. Je me dresse désormais contre la nature même des choses, et en tout temps profanerai l’immuable Loi. Ma haine est immortelle, me volonté de vengeance, irrémédiable.
Dans l’insoumission je garderai la tête haute, avec courage et fierté. Ma gloire se parera de vos accusations. Et je ne demanderai aucune grâce. J’en mourrais plutôt. Mieux vaut souffrir… et régner!
Sous le triple office du plaisir, par la grandeur, l’originalité et la beauté, j’éteindrai ma faculté de penser! Enfin seule la force de mes pulsions me guidera. Ainsi Je créerai et détruirai, encore et encore, pour la grande sublimation.
Au nom de l’enfer sur terre, de la confusion et l’exil, que par nous s’établisse l’équilibre d’une justice immuable. Sinon, prohibez notre mal et, à votre tour, souffrez! »