Sur les agathes en banquises,
mon regard s'attise.
Par la crainte qui divise,
mes désirs s'enlisent,
ton regard me paralyse.
Les soupirs s'amenuisent.
Mes sourires se volatilisent.
Le temps me banalise.
J'agonise.
Je suis l'Ougiecrise,
bougie d'allumage
d'un moteur qui s'épuise.
Les sons en « ise » semblent aiguiser ton sentiment ; ton texte est à chair vive. C’est peu de critique, mais c’est déjà trop. Comme Rilke le dit dans les Lettres à un jeune poète (si un jour tu veux le relire, choisis l’édition de Grasset, c’est elle qui offre la meilleure traduction) toute oeuvre d’art doit naître d’une nécessité. Voici l’extrait d’un livre qui m’a frappé par sa profondeur, un « phare », comme on dit. J’espère qu’il t’éclairera aussi. Si tu veux approfondir ta connaissance sur la poésie, va voir ce que les poètes en dise. Il n’y a qu’eux pour en parler vraiment.
JUARROS, Roberto. Poésie et création, traduction de F. Verhesen, Éditions Unes, Périgueux, 1987, 154 p.
« Définir la poésie est une impossibilité, une utopie. Peut-on définir la mort, la musique, l’amour? Je rêve d’une définition. Peut-être cela fit-il dire à Novalis que la critique de la poésie est une absurdité […] le père Feijóo parlait, à propos de la poésie, d’un je ne sais quoi. Et Pedro Salinas ne faisait guère mieux en déclarant : Tout commentaire d’une poésie se réfère à des éléments périphériques : style, langage, sentiments, aspirations, mais non à la poésie elle-même. La poésie est une aventure vers l’absolu. C’est-à-dire : une seule voie s’offre à l’explication de ce que l’on ne comprend pas – en ce cas, la poésie – : la création. La création n’est explicable que par la création, comme l’amour n’est explicable et situable que par l’amour […] La seule manière de recevoir une création, écrivais-je un jour, est de la créer à nouveau. Peut-être, de se créer avec elle.
– Ceci nous conduit à votre pensée que le poème, l’œuvre poétique, serait une sorte d’organisme incomplet.
– Oui, mais intentionnellement incomplet. Quelque chose qui ne s’achève pas, qui ne se termine pas, et se présente à nous comme une part de l’expression humaine pour que nous la complétions. Une grande tentation s’offre à l’homme d’exercer sa capacité la plus haute et la plus radicale : créer. Eluard disait justement que le poème consiste à donner à voir, à montrer le monde, à montrer ce que la quotidienneté nous dissimule, ce que nous cache l’inanité de notre vie. Donner à voir la vérité substantielle de l’homme, ce que notre précarité, notre incapacité, les contraintes de l’existence nous dérobent, ce qui nous échappe parce que nous sommes inaptes à répondre correctement à l’exigence d’absolu. Je dirais plutôt : il ne suffit pas de donner à voir. Il s’agit de donner à créer, à se re-créer […] nous ne pouvons oublier que le poème est fait de mots. Mais nous parlons des mots de l’homme, de la plus haute possibilité d’expression de l’homme. De plus, le poème n’est pas seulement fait de mots. Il est fait, aussi, de silences, comme la musique. Celle-ci n’est pas seulement constituée de sons : le son ininterrompu, permanent, ne fait pas la musique. Le son et le silence, la parole et le silence […] Mallarmé ne pensait-il pas : il ne faut pas nommer les choses, il faut simplement les signaler et dire ceci est un verre, ceci est du papier, cela c’est de la lumière, et cela un visage. Il s’agit de suggérer les choses, de les faire entrevoir. Lorsqu’on fait en sorte que les choses soient présentes par leur absence, c’est alors que les choses sont. Que signifie : être présent en quelque chose? S’agit-il simplement du fait physique et matériel, définissable, de cette éphémère et transitoire certitude d’un être qui est ici? Ou de la présence de cela qui, bien qu’invisible, lointain ou révolu, pourtant comme miraculeusement par le moyen que nous possédons de capter la réalité : une chose n’est jamais mieux perçue que nommée par le truchement d’une autre. »
« La poésie moderne refuse l’anecdote, le conte et la fable, le moralisme élémentaire, le décor, le sentimentalisme, la politique. Le pouvoir ne l’intéresse pas. Elle cherche quelque chose de plus profond, de plus essentiel que le pouvoir. Aux origines de la poésie moderne, Baudelaire déclarait : Mon livre est essentiellement inutile. Je désire que cette dédicace de mon livre soit inintelligible, parce que ce que je cherche c’est de me précipiter au fond de l’abîme. Enfer ou ciel, qu’importe? Il faut aller jusqu’au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau. »
Belle et longue citation. :) …en accord parfait avec mon cheminement…
… mais le dire ici, n’est-ce pas me trahir? lol
À propos de ce dessin et de ta citation, je dirais encore ceci:
Des relations s’entament, des chemins se croisent…
Or combien de destins s’évanouissent avant même de s’accomplir?
Par traits et mots, au gré des vides, écueils et ébauches, re-dessine-t-on de nouveaux carrefours, de nouvelles œuvres. Ainsi se re-crée-t-on en dépit des errances, dans l’œil de celui (ou celle) qui regarde.
Merci pour le commentaire.