Au delà des ciels, du soleil et des étoiles, un magistrat gère l’Univers. Libres du temps, de l’espace, des plans et des dimensions, ces esprits sans chair gèrent les consciences, les dirigent d’un monde à un autre. À l’écart d’un ailleurs impénétrable, pierres immobiles, végétaux foisonnants et êtres remuants émergent donc sur terre d’un même souffle.
En quarantaine des grands courants intersidéraux, les peuplades humaines cultivent habiletés et savoirs. La compréhension progressive des forces élémentaires à leur monde, dont celle de l’électromagnétique, inspirent maintes idées et innovations, de la découverte du feu aux dernières avancées technologiques.
Depuis les terres de l’imaginaire, créations et découvertes enflamment les consciences à l’affût. Par la concrétisation des idées, les réalités se succèdent. Au delà de l’espace-temps, êtres stellaires et émissaires du grand magistrat naviguent entre les frontières du matériel, nous interpellent, provoquant sur terre la transmutation des entités. Les uns s’en élèvent, d’autres s’enfoncent. Rebâtissons-nous le monde que nous nous élevons vers les cieux de nos ambitions, entre nos rêves, désirs et cauchemars.
Or l’un des pires scénarios se concrétise pour la planète. Là où l’on se torture par obligeance, où l’on s’entiche de vaines possessions, où l’on s’écrase d’illusions factices, où maladies et souffrances décuplent en nombre et en intensité, les espèces disparaissent. Les milieux de vie se corrompent. Les idées s’amenuisent. Les intuitions s’épuisent. les consciences s’éclipsent. Les émotions s’éteignent. Des bruits courent, un nombre grandissant de gens le perçoivent, de mille et une façon. Sur terre, une guerre invisible s’éternise…
…et s’institue un nouvel enfer. À mesure que bétons et autoroutes tapissent les terres, qu’îles de plastique et nappes d’huiles envahissent les mers, que les forêts s’épuisent, que l’eau disparaît, que la terre s’échauffe… s’édifient les conditions d’un environnement néfaste à toute forme de vie. En des déserts de plus en plus vastes s’érigent les pandémoniums par centaines, où individus n’expérimenteront plus que tortures, supplices et douleurs.
D’urgence, invoque-t-on pour la planète bleue un avènement sans précédent : par le canal d’une lumière à ce jour réservée aux éclairs, par milliers des inspirateurs d’outre-monde y surgissent.
Ces représentants intersidéraux choisissaient naguère, en concordance avec les diverses conditions et environnements de leur planète d’accueil, leurs naissances et missions spécifiques.
Des foudres d’émotions dénudent de son camouflage humain l’Alienectricity, individu missionnaire d’une engeance de plus en plus visible sur terre. En venant jusqu’ici, l’entité prenait un grand risque : se perdre à jamais dans le carbone et l’oxydation.
« En torrents mes nerfs éclatent! De mes tempes une fenêtre s’ouvre… Voyez-vous cette crevasse en mon front? Un court-circuit, une disjonction permanente, la creuse.
Dans la confusion je me débattais; aux prises avec moi-même, je me croyais coupable de tous les maux. D’une colère solitaire je disparaissais dans mes zones les plus sombres, j’agonisais. Réactions en chaîne : les enfers s’écroulaient en moi, précipitaient ma confusion, mes déficiences. À mon insu, afin de neutraliser mes actions, on m’instillait de funestes poisons, on m’anesthésiait.
Par secrets, mensonges et manipulations, on m’emmurait en une cage translucide. Dans le tourment de cet emprisonnement, je remuerais, me secouerais, m’ameuterais dans l’affolement. Mais on se jouait de ma personne. Tel un rat de laboratoire, on étudiait chacun de mes gestes, actions et pensées. Pour les imiter, à loisir.
D’un mépris indéfectible, résolu, d’une méchanceté pure, s’emparait-on – à l’insu de tous – de mon existence. Par jalousie et dépit, par une indicible tristesse et une peur sans nom me scierai-t-on jambes, bras, tête et gorge et même…
Stérilisation.
Vous, envoyés des cabales obscures, contrecarriez ma destinée, désamorciez mes actes, ridiculisiez jusqu’à l’influence de ma présence. Mutilé, pourfendu, occis, vous me divisiez, me pourfendiez. Choix médiocres, erreurs, errances, affiliations déplorables, amitiés fatales, découlent de vos persécutions à répétition. Par miracle encore en vie, votre humble martyr en paierait le gros prix : misère, humiliations, isolement, ostracisation, paralysie et autres torpeurs.
En mes blessures béantes s’inscrivent votre mal, votre avidité, vos manques. Que l’énergie de ce court-circuit, mon trop-plein d’électricité, vous nourrisse! Que de mon sourire survolté s’échappe vos tourments, ces incessantes frayeurs… Maintenant que je vous reconnais, je saurai vous affronter.
Ainsi je me dégage de votre emprise, pose des questions, veut des précisions – toujours plus de précisions – cherche à atteindre votre jalouse perfection. Je m’agite, confronte, assène des coups, en reçoit, ravale, me relève! Un faux-amour m’intoxiquait et noircissait mon sang, mes veines, mon cœur, mon esprit. Mais je ne réagis plus, j’explose.
Harcèlements inexplicables, comportements hors-normes, gestes d’abandon, rejets et repoussements, insultes sans cessations s’intégreront à mes ombres. Voyez-les prendre vie! Et ça ne fait que commencer.
Aujourd’hui je ressuscite, non sans heurts. De cette surcharge, mes blessures guérissent. Rendons les armes. Par cette énergie nouvelle – l’électricité – devenons, ensemble, immortels. »